Troisième soirée préparatoire à la
journée d'étude de L'Association freudienne de
Belgique
Création et
inconscient,
prévue le
samedi 27 mars,
sans doute en visio-conférence.
les propositions d'intervention et/ou d'écriture sont
les bienvenues.
le 11 février de
20h30 à 22h30 (lien zoom à suivre)
N'hésitez-pas à faire suivre cette invitation à toute
personne susceptible d'être intéressée.
Argument
Depuis Freud, l'art n'a cessé de faire
objet pour le discours analytique, c'est-à-dire n'a cessé de lui échapper. Tout
discours de fait achoppe sur le Réel de la création et se trouve en même temps
relancé puisque l'art agit comme un plus de jouir sur son spectateur, son
lecteur, son admirateur que peuvent être le psychanalyste ou son analysant.
La pratique artistique comporte ceci de
commun avec la pratique analytique qu'elle reste, pour une part mystérieuse,
non transmissible. Bref, sa structure est fondamentalement trouée. Elle est
acte en ceci même que, loin de voiler ce trou, elle en trouve sa cause. Sans
doute, va-t-elle un pas plus loin et fraie-t-elle la voie pour le psychanalyste
en proposant, à chaque fois et à nouveau frais, au lieu de la béance de
l'Autre, un semblant à même d'agrafer le Réel. Là réside son génie au sens
plein du terme, sa poïesis pourrait-on dire.
A partir de cette proposition, il s'agit
moins pour nous de relancer une psychanalyse appliquée qui chercherait
confirmation dans une théorie de l'art, s'offrirait comme outil critique, comme
un tout savoir sur l'art, depuis l'interprétation de l’œuvre jusqu'à la
psychobiographie de l'artiste, que de se laisser enseigner par les effets de
l’œuvre, dans son acte de production, comme dans sa réception pour un sujet,
analyste ou analysant.
Si un savoir peut se constituer, c'est
bien dans la reprise de cet effet de surprise, de réel sur lequel la mise en
forme, en œuvre, en acte tente de reprendre un morceau de jouissance interdite.
Cet effet de réveil et de dévoilement fait-il symptôme ou sortie hors du
symptôme ? Dépasse-t-il le cadre restreint du principe de plaisir ?
Si oui, pour quelle jouissance ? Son enveloppe formelle reste-t-elle celle
du signifiant dans sa prise sur le Réel ? Le laisse-t-il objet d'un
déchiffrage, d'une interprétation ?
La création est par ailleurs un
processus d'extériorisation non pas sous la logique d'une vidange, mais comme
ce qui d'un corps se joue au dehors, dans « l'étrangeté d'un lieu de
l'intime »1. « Ce
qui m'est le plus intime est justement ce que je suis contraint de ne pouvoir
reconnaître qu'au dehors » avançait Lacan dans son séminaire d'Un
Autre à l'autre, en 1969, à partir du Cri de Munch. Quelle place donc pour
l'Autre ou l'autre, comme lieu d'une adresse ou de réception ? Il semble que
cet enjeu puisse différer fortement pour chaque sujet, tel que cela nous est
rapporté durant les cures.
Dans ce même séminaire, Lacan vise ce
lieu de l'extime comme celui d'une vacuole, d'un interdit au centre qui
constitue, dans le vide de la Chose, ce qui nous est le plus proche.
« L'objet a, dit-il, joue ce rôle dans l’œuvre d'art par rapport à la vacuole :
il est ce qui vient chatouiller Das Ding de l'intérieur »2.
Au côté de cette réception de l'art par
le psychanalyste comme travail de sublimation, de solution originale au
problème de l'appropriation et de la perte de l'objet, de cet art
compensatoire, d'autres enjeux toutefois nous sont adressés. Nous pourrions leur
donner statut de post-oedipien et convoquer les questions de nouage qui se
voient originalement opérées. C'est tout le sens de la démarche de Lacan,
relisant Joyce dont l'opération d'écriture lui est apparue comme un raboutage
de l'égo, dans une purge imaginaire. Combien de sujets psychotiques
n'établissent pas un monde à nouveau habitable à partir d'un détail de tableau,
de chanson, ou un traitement de la langue ?
Qui parmi nous n'a pas aperçu les effets
de l’œuvre sur tel ou tel spectateur, durablement convoqué par les
caractéristiques thématisables ou non de ce qu'il a vu, lu, entendu ? Les
objets de l'art servent nos cures. Ces objets font opérations dans leur
création ou réception pour nombre de nos analysants. Il nous semble que le
psychanalyste ne peut se passer de l'art comme matériel parfois central de la
cure. Une psychanalyse donc non appliquée à l'art, mais à la cure et relancée
par l'art, enseignée par celui-ci.
Nous souhaitons inviter le plus grand
nombre d'entre nous, mais aussi quelques extérieurs à l'Association, à tenter
de rendre compte de cette place dans leur travail ou celui d'un de leurs
analysants.
Novembre
2020
Pour le Bulletin Freudien, Clotilde
Henry de Frahan, Catherine Mailleux, Géry Paternotte,